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Photo du rédacteurCéline Cochelin

Mesure d'impact, portrait d'Eexiste



En plein développement, le secteur de la mesure d’impact social compte peu de spécialistes. Il en existe un qu’Estelle Barthélémy connaît particulièrement bien : le cabinet Eexiste. Consultante en son sein, elle a souhaité donner la parole à l’une de ses co-fondatrices, Géraldine GUILLUY.


Originaire du Nord de la France, Géraldine GUILLUY a un parcours qu’elle qualifie de classique. À la suite d’une prépa, elle intègre l’emlyon business school. Tâtonnant dans ces études assez généralistes, elle n’est pas sûre d’être à la bonne place. Grâce à l’intervention d’Hayat BOAIRA* lors d’un cours à l’emlyon, Géraldine découvre le mécénat. Elle y trouve la conciliation entre son envie de travailler dans un univers professionnel et celui de trouver du sens à sa carrière.


Son début de carrière se fait chez IBM, dans le département RSE & mécénat. Pour rappel, le mécénat est la contribution des entreprises à l’intérêt général, une contribution volontaire sous forme de dons.


En 2006, elle rejoint Les Entreprises pour la cité. Durant huit années, elle accompagne des entreprises sur les sujets de RSE [Responsabilité Sociétale des Entreprises] et plus spécifiquement de mécénat et d’engagement citoyen.


En 2014, elle fait une rencontre déterminante. Elle croise la route de Christelle VAN HAM. À l’époque, cette dernière est au CA [Comité d’administration] de La Ruche dans lequel le mari de Géraldine siège également : c’est pas beau ça ?


Au cours d’un trajet en train, Christelle confie qu’elle recherche un.e associé.e pour sa structure de conseil en impact social. Le sujet explose, elle a plein de demandes qu’elle souhaite honorer et a besoin d’être épaulée. Le mari fait les entremetteurs et BINGO !


Les deux femmes ont des profils très complémentaires. Elles travaillent en binôme sur quelques missions afin de tester leurs capacités à travailler ensemble. La “mayonnaise” prend, et c’est le début d’une belle aventure ! Eexiste est née. Le cabinet se développe principalement grâce au bouche à oreille.



L’impact social, qu’est-ce que c’est ?


Pour expliquer ce qu’est l’impact social, Géraldine a un mot-clé : le changement.


L’impact social, c’est se poser la question de :

  • les effets d'une action, d’un programme ou d'une association sur ses bénéficiaires,

  • ce que cet accompagnement a changé pour ces personnes,

  • de ce qu’il a produit comme changement dans leur vie, concrètement.

Les structures qui répondent à des problématiques sociales espèrent contribuer à des changements positifs. Malgré tout, certaines retombées peuvent être plus mitigées, voire négatives.


L’impact social définit donc l’ensemble des changements durables, positifs ou négatifs, intentionnels ou inattendus, produit par une organisation ou un programme sur :

  • des individus,

  • un groupe d’individus,

  • la société,

  • un secteur,

  • la législation.


Par exemple :

Dans les années 1990, Les Restos du Cœur et les principales associations de lutte contre la faim ont fait du lobbying pour renforcer la défiscalisation des dons au service des plus démunis. Grâce à leurs actions, depuis 2005, les dons accordés aux associations, qui œuvrent pour pourvoir aux besoins primaires : se nourrir, se loger, se vêtir, sont défiscalisés à 75 %. Pour mémo, dans l’ancien cadre légal, ils l’étaient à 66 %, comme pour ceux à destination d’autres types d’associations d’intérêt général. On peut donc dire que les Restos du Cœur et leurs partenaires ont eu un impact sur la législation. Ils ont fait bouger les choses pour l’ensemble du secteur !


Autre exemple :

Unis-Cité est l’association qui a importé le service civique des Etats-Unis. Un service civique est une mission d’engagement pour l’intérêt général ouverte aux jeunes de moins de 25 ans sur une période donnée. En créant cette nouvelle forme d’engagement et en le faisant reconnaître par l’Etat, l’association a eu un impact législatif. En permettant à des centaines de milliers de jeunes de s’engager auprès d’acteurs de l’intérêt général. L’association a également eu un impact sectoriel en France.



Enfin, on peut dire que l’impact social est proche de la notion d'empreinte. Celle qu’on laisse au travers de notre action.



Comment mesurer l’impact social ?


Chez Eexiste, l’équipe préfère dire qu’elle évalue l’impact social, plus qu’elle ne le mesure. Car, l’impact social est complexe et difficile à agréger sur une base simple, contrairement à l’impact environnemental (unités de carbone) ou économique (unités monétaires).


Les exemples aident à bien comprendre, voyez plutôt :

L'Association Rêv'elles accompagne des jeunes filles de quartiers prioritaires sur leur orientation. Elle leur permet de voir grand, de découvrir d’autres secteurs et d’autres métiers. Eexiste évalue l’impact de l’accompagnement Rêv’Elles sur les jeunes filles accompagnées. Un des impacts évalués est l’évolution de la confiance en soi. Il n’existe pas d’indicateur permettant de mesurer précisément l’évolution de la confiance en soi. L’évaluation va alors s’appuyer sur des indicateurs de perception, à différents moments du parcours d’accompagnement, afin d’évaluer l’évolution de la confiance en soi perçue par les jeunes filles elles-mêmes.


Eexiste construit ses démarches d’évaluation au cas par cas. Le cabinet fait du sur-mesure en fonction des impacts identifiés, mais aussi des pratiques évaluatives et de la culture organisationnelle de la structure.



Deux types d’accompagnement


Eexiste propose 2 grands types d’accompagnement envers les structures d’innovation sociale.



1 - Mener une évaluation externe d’un projet ou d’un programme donné.


Ce type de mission d’évaluation est le plus souvent structurée de ces différentes étapes :

  • définir les enjeux, les objectifs de la mission,

  • identifier les impacts à évaluer,

  • les traduire en indicateurs

  • Construire des outils qui permettent la mesure de ces indicateurs

  • aller sur le terrain, collecter des données, par exemple grâce à des questionnaires ou à des entretiens physiques ou téléphoniques,

  • analyser les données collectées

  • se confronter à l’expérience de l’association et co-construire des conclusions,

  • rédiger un livrable d’évaluation qui peut prendre la forme d’un rapport, d’une synthèse ou d’une infographie.


L’équipe utilise le plus souvent des outils qualitatifs d’évaluation tels que des observations, des entretiens collectifs ou individuels, des enquêtes en ligne…


Exemple :


Emmaüs Alternatives met en place en 2018 un dispositif de “Casiers Solidaires” à Montreuil : 12 premiers casiers accessibles directement dans la rue pour des personnes sans abri pour leur permettre de stocker leurs affaires en sécurité, de gagner en autonomie, en sérénité et en mobilité. L’association a fait appel à Eexiste pour s’assurer de la pertinence de son dispositif et de son impact pour les bénéficiaires, avant de le déployer à plus grande échelle. Eexiste a privilégié une méthode qualitative alliant observation et entretiens approfondis avec les bénéficiaires et les travailleurs sociaux pour croiser les regards. L’équipe a pu observer les évolutions en allant sur le terrain à plusieurs reprises pendant un an.


Au cours d’une autre mission,

Eexiste a accompagné l’association Ikambere, qui accueille et accompagne des femmes migrantes atteintes du VIH. Des femmes qui ne maîtrisent pas forcément le français ni les outils informatiques. Là encore, Il faut s’adapter pour créer une approche adaptée, mettre en confiance les personnes accompagnées et utiliser des outils pertinents pour rendre compte de l’impact de l’action.


Eexiste travaille de façon étroite avec ses clients. Ce sont eux qui connaissent le mieux leur projet et leurs bénéficiaires. Tout est toujours construit sur mesure, en fonction de la mission et des publics.


Les structures ont ainsi le moyen de valoriser leurs actions concrètement par la parole d’un tiers et des remontées du terrain. Les enseignants, les familles, les jeunes, les artistes, les éducateurs, les accompagnateurs… toutes les parties prenantes d’un projet ont leur mot à dire !


Dans l’ensemble de ses méthodes, Eexiste privilégie le croisement de regards. Grâce à cela, elle s’approche le plus possible d’une objectivité.




2 - Accompagner la structure dans son suivi-évaluation (auto-évaluation)


Eexiste aide les structures pour qu’elles améliorent leurs pratiques d’évaluation internes. Les associations ont pour préoccupation de connaître les retombées de leurs actions. Elles doivent rendre des comptes à leurs partenaires.


Pour ce faire, elles mettent en place des démarches de suivi-évaluation. Elles s’appuient sur des outils qu’elles ont développés :

  • reporting sur le nombre de bénéficiaires,

  • le nombre de bénévoles,

  • les actions menées…

Eexiste leur apporte son regard pour améliorer et renforcer les approches mises en place, et les aide à aller plus loin dans l’évaluation pour prendre en compte l’impact, à court terme et dans la durée.



Par exemple, une association qui met en place le suivi de son impact pourra non seulement expliquer qu’elle a formé 100 personnes, mais également raconter ce que ces personnes ont retenu de la formation, si cela les a aidé à trouver un emploi, etc.


Eexiste accompagne une réflexion sur les données à collecter, la manière de les collecter, et l’analyse de ces données.



L’avenir devant soi


L’évaluation d’impact est un secteur émergeant. Il se développe rapidement. Il y a encore beaucoup à apprendre en la matière. Eexiste reçoit en moyenne une à deux sollicitations par semaine. Le cabinet ne peut pas répondre à toutes les demandes. Christelle et Géraldine se sont donc posées la question de travailler avec d’autres.


La solution retenue a été de créer un réseau de consultants, un écosystème où chacun reste indépendant. Outre le fait d’être en mesure de répondre à la demande, ce modèle permet à Christelle et Géraldine de mobiliser des expertises diverses pour répondre au mieux à des sujets spécifiques, au plus près du terrain grâce à des consultants basés dans différentes régions de France.



C’est ainsi qu’Estelle a intégré, ce qui est devenu aujourd’hui, le “Réseau EEXISTE” en qualité de consultante. Son expertise pointue sur les sujets de discrimination et d'accès à l’emploi est précieuse. Leur première collaboration a été sur une mission pour le groupe SOS et leur plateforme “les bons profils”.

Cette mission d’évaluation d’impact nécessitait de très bien connaître les sujets du recrutement de personnes potentiellement discriminées. Estelle a une forte expertise sur ces publics et le sujet de l’insertion professionnelle. C’est une vraie synergie qui s’est créée. Elles sont toutes trois parfaitement complémentaires. Chemin faisant, Estelle a collaboré sur 3, puis 4 missions, et puis on ne les compte plus ;o). Ses compétences sur l’éducation et l’insertion professionnelle sont souvent demandées. À force, juge Géraldine, Estelle connaît le sujet d’évaluation d’impact aussi bien que les fondatrices d’Eexiste.


À présent, Eexiste s’appuie sur un réseau de 8 consultantes aux profils variés et complémentaires, et plus ponctuellement sur l’expertise d’une dizaine d’autres consultants.


Elles peuvent ainsi répondre à des besoins dans des secteurs très variés. Ce qui est précieux, c’est la co-construction autour des missions. Le Réseau se structure beaucoup dans le respect mutuel des personnalités et des forces de chacune. Le partage d’une vision de ce qu’est l’ESS [Economie Social et Solidaire], l’intérêt général et de ce que doit-être une mission de mesure d’impact, soude le groupe.


Eexiste est au début de la construction de son réseau. Il n’y a que des femmes pour le moment. Il se structure petit à petit. Un second séminaire va s’organiser pour que chacune partage ses expertises. Les prochaines années vont permettre de le formaliser de manière agile.


Le réseau ne demande qu’à croître pour répondre aux besoins sur les territoires et à la diversité des projets. L’innovation est aussi au cœur de leur développement. Savoir se réinventer est primordial pour l’avenir. Beaucoup de choses restent à imaginer, ré-imaginer. C’est ce qui est passionnant.


Avoir du temps, dans cette époque où tout va vite, est un luxe. Eexiste, au travers de son métier, permet de donner à voir, à valoriser et à motiver. On pourrait même dire que le cabinet offre de l’optimisme et de l’espoir. Merci à Géraldine GUILLUY pour son temps.


 

Eexiste, quelques chiffres clés


Structures accompagnées :

  • 60

  • 60 % d’associations loi 1901

  • 30 % des fondations d’entreprises / familiales

  • 10 % de coopératives, CIC, quelques collectivités territoriales

Projets accompagnées :

  • 96


Entretien réalisé par Céline Cochelin à Oasis 21 le 8 novembre 2021 pour Oya Agency.


*Aujourd’hui déléguée générale d’entrepreneurs de la cité.



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